Un grand vin ne peut se produire qu’avec des raisins de grande qualité. En tant qu’oenologue conseil, la première expertise se doit d’être la compréhension fine de la physiologie de la vigne. A ce titre le bilan agro-œnologique de la région de Bordeaux pour la campagne 2018/2019 a été réalisé fin d’année 2019 au Château Couhins-Lurton (Pessac-Léognan) en la présence de vignerons, directeurs techniques et chefs de culture de propriétés viticoles de la région bordelaise.

LIeu de la conférence

Château Couhins-Lurton Pessac-Léognan

La vigne a besoin d’être équilibrée pour rester en bonne santé, se défendre naturellement vis-à-vis des maladies et amener les raisins à maturité à la qualité désirée en relation au type de vin que l’on souhaite produire.

Pour atteindre ces objectifs, la vigne doit être nourrie en fonction de ses besoins, variant en fonction du cépage, du porte greffe, du type de sol, de l’état du sol en termes de composition en matière organique et minérale et de son activité biologique.

Entretenir ou redonner de la vie au sol passe par un apport en matière organique et une préservation du sol. Si l’on nourrit le sol et par conséquent la vigne, il faut veiller à évaluer le comportement de la vigne dans sa capacité à assimiler les éléments nutritifs du sol en fonction du climat et des composantes propres au sol.

Laurent Chancholle dans les vignes de Puisseguin-Saint-Emilion

Le concept de l’agro-œnologie développé par le laboratoire SRDV vise à analyser ces éléments de nutrition de la vigne en dynamique dans les pétioles au cours de la campagne végétative et dans les sarments pour la mise en réserve. La finalité est de mieux comprendre le fonctionnement des vignes en fonction des parcelles. En corrélant ces données à celles de la qualité des raisins, des mouts et des vins correspondants, on va pouvoir agir précisément en fonction de ses objectifs. On vient donc apporter des indicateurs précis de ce que la vigne est capable d’assimiler. C’est un complément de l’analyse de sol (réserve nutritionnelle) et de l’évaluation de la vie microbienne des sols (capacité du sol à minéraliser la matière organique).

Avoir de quoi se nourrir est une chose, être capable d’assimiler cette nourriture en est une autre.

L’agro-œnologie est un maillon indispensable à considérer dans la chaine de production du vin entre l’agro-écologie de la vigne et l’œnologie.

Le thème de la réunion technique était de comprendre le millésime 2019 au travers de 3 interventions :

1-Climatologie, observations et mesures réalisées au vignoble au niveau du feuillage, par Sébastien Rieublanc de CIC

2-Suivi des réserves et de l’assimilation des éléments nutritifs de la vigne par Guillaume Desperrières du Laboratoire SRDV

3-Faits œnologiques marquants, de la gestion des maturités aux vinifications en lien avec les informations relevées au vignoble, par Laurent Chancholle.

1.Climatologie du millésime par Sébastien Rieublanc

Au niveau climatique, la pluviométrie de novembre 2018 à octobre 2019 est supérieure à la moyenne décennale régionale, oscillant de 574 mm à Saint-Estèphe (Nord du Médoc) à 730 mm à Fargues-Saint-Hilaire (Entre-Deux-Mers), ceci quelque soit la station locale de la région bordelaise.

Le début de la saison se caractérise par une faible pluviométrie des mois de février et mars et des températures fraiches. Ces 2 paramètres ont également ralenti l’activité biologique des sols et donc la minéralisation de la matière organique.

Le mois de juin est marqué par une fréquence soutenue de la pluie et une forte humectation des sols. L’effet de la pluie sur la floraison a eu pour conséquence de voir apparaitre de la coulure due aux capuchons floraux collés.  A noter que l’élément qui a été le plus pénalisant au niveau du potentiel de récolte fut le millerandage à cause des fortes variations de température entre le jour et la nuit (de 6 à 10°C). Enfin, ces niveaux de pluie devraient se traduire pour 2020 par des forts niveaux de mise en réserve, à confirmer par les analyses de sarment de cet hiver.

L’été a été sec, ensoleillé et chaud :

Valeurs 2019 vs normale

2. Le suivi agro-œnologique par Guillaume Desperrières

Le suivi agro-oenologique développé par le laboratoire SRDV consiste à suivre en dynamique l’assimilation nutritionnelle de la vigne depuis la phase des boutons floraux séparés (BFS) jusqu’à la véraison. Avant le stade BFS, la vigne va piocher dans les réserves alors que à partir de la véraison une partie de son activité partira dans la mise en réserve (MER). La MER varie en fonction du type de sol et de sa capacité à se réchauffer et est évaluée en hiver par le dosage des sarments. C’est l’ensemble de ces informations, stock en réserve et ce que la plante puise dans ce stock, qui permet d’identifier les équilibres/déséquilibres d’assimilation en fonction des objectifs œnologiques et ainsi de réguler la nutrition de la vigne sur le court, moyen et long terme.

Dosages sur sarments 2018/2019

Les éléments que sont le fer, le calcium, le magnésium et le manganèse sont directement corrélés à l’activité photosynthétique de la vigne. Les concentrations dosées dans les sarments se retrouveront ensuite dans les pétioles.

Au niveau glucidique, les mises en réserve de 2018 ont été bonnes, avec des valeurs moyennes supérieures aux 3 dernières années (au-delà de 120 mg/g).

Concernant l’azote, les niveaux moyens sont corrects, juste au-dessus de 0,6% de la Matière Sèche (MS). On relève tout de même des situations contrastées malgré un millésime 2018 pluvieux et doux.

Les réserves en potassium étaient relativement élevées, du moins on relève très rarement de carences en région bordelaise. L’assimilation du potassium étant très influencée par la température du sol et en période de réchauffement climatique, le potassium ne devrait pas être un facteur limitant ! Etant donné l’antagonisme d’assimilation entre le potassium et le magnésium et la prépondérance du magnésium dans la photosynthèse et son implication dans la synthèse des polyphénols et des arômes, le ratio K/Mg est un paramètre primordial à considérer en vue de la production de vins équilibrés.

Le fer qui nécessite de la chaleur et des sols drainants pour être assimilé par la vigne se retrouve sur certaines parcelles en déficit, un phénomène en réapparition croissante.

Le zinc voit lui ses concentrations diminuer depuis 2014 sur l’ensemble des terroirs suivis. La diminution de l’utilisation de produits fongicide riches en zinc peut expliquer cette évolution.

Le manganèse est également en déficit régulier.

Dosages pétiolaires 2019

Azote : De manière globale, l’azote a toujours été en termes de concentration pétiolaire dans la moyenne basse au cours de la campagne (autour de 70 mg/100 pétioles). Sa dynamique a été en constante diminution depuis le stade pois jusqu’à la véraison. Cette cinétique est totalement inverse à celle observée en 2018 sur le même échantillonnage de parcelles.

Le phosphore qui a une assimilation parallèle à l’azote a été très faiblement assimilé, flirtant sur tous les terroirs avec la limite basse de 10mg/100 pétioles.

Le potassium (K) est un élément majeur dans la capacité de la vigne à amener les raisins à maturité. Il est également directement corrélé au pH final des vins. Il doit donc être régulé finement pour atteindre les objectifs œnologiques de maturité, d’équilibre gustatif et microbiologique. Son assimilation est équivalente à celle des années passées.

Par-contre, deux exemples concrets de gestion du potassium sur des problématiques distinctes sont exposés et montrent clairement l’intérêt d’une régulation de cet élément à la parcelle et sur plusieurs millésimes successifs :

  • Cas d’un petit verdot du Médoc qui arrive à maturité phénolique de manière récurrente avec des pH excessifs (supérieurs à 3,8) : pas d’apport de K en 2018 mais apport de Mg pour améliorer le ratio K/Mg, Le pH 2019 est de 3,5 pour les mouts avec des K à véraison et sur moût en dessous de la limite basse. Les objectifs 2019 sont atteints mais afin de ne pas basculer dans une carence en 2020, un apport de matière organique riche en K est préconisé.
  • Cas d’un cabernet sauvignon du Médoc qui a du mal à atteindre le degré de maturité souhaité. Apport de K au sol et en foliaire en 2018. Les objectifs de maturité sont atteints en 2019 avec un pH de 3,7 sur mout et des potassium en concentration dans la moyenne haute. Un simple apport de MO d’entretien est préconisé pour 2020.

Le magnésium a vu sa dynamique d’assimilation dans la lignée des années précédentes mais voit ses valeurs moyennes sur la Gironde en limite basse. Des apports ciblés sur des parcelles donnant des mouts à pH trop élevé pour des niveaux de maturité corrects permettront de rééquilibrer le ratio K/Mg et d’accéder à des vins plus frais et plus stables vis-à vis de l’oxydation et des risques microbiologiques.

Le calcium et le fer ont été assimilés dans la même dynamique que les années passées, leurs valeurs moyennes dans les pétioles sont globalement basses en Gironde. Des apports de fond sont  très fréquemment préconisés.

Concernant le manganèse, les assimilations  ont été moins bonnes que en 2018, des apports en foliaire avant le stade BFS sur les parcelles à faible assimilation sont préconisés.

En résumé

  • Des situations disparates selon les secteurs et les terroirs cette année
  • Nécessité de suivi des différents terroirs et des différents cépages pour une bonne extrapolation des résultats
  • Des cas très différents au sein d’une même propriété : il faut partir des équilibres œnologiques et des particularités des parcelles en cave pour la sélection des parcelles de référence
  • Nécessité de réaliser un suivi régulier car les résultats sont très différents selon les millésimes en fonction des conditions climatiques
  • Données à mettre en relation avec les équilibres des sols

3.Le millésime par Laurent Chancholle

Le millésime 2019 a été marqué par une hétérogénéité de la maturité, remettant en cause les « habitudes » de ramassage inter et intra parcelle. Le printemps pluvieux et frais a entrainé coulure et millerandage entrainant une hétérogénéité de maturation à l’échelle de la grappe.

Les fortes chaleurs et les faibles disponibilités en eau du mois de juillet sur les terroirs moins capables de restituer de l’eau aux racines ont entrainé des stress hydriques excessifs et donc des blocages dans la cinétique de la maturation.

Ces fortes chaleurs ont justifié le choix de ne pas effeuiller au niveau des raisins les plus exposés au soleil ou d’effeuiller tardivement dans un objectif unique d’aération des grappes. L’observation des raisins à véraison a confirmé ces décalages.

Cette hétérogénéité en tous points de la maturation a justifié des suivis de contrôle de maturité à la grappe précoces et réguliers de toutes les parcelles. Le tri des raisins s’est révélé décisif tant les écarts ont été importants.

En ce qui concerne les vins de base de crémant, les blancs secs et les rosés, il fallait être rentré tôt de vacances afin de ne pas dépasser les optimums en termes d’équilibre acide et de fraicheur aromatique.

La stratégie de ramassage des vins rouges s’est elle résumée en une évaluation quotidienne de la capacité des terroirs à bien réagir aux épisodes pluvieux. Le moment clé du millésime est celui de fin septembre. Il s’est montré bénéfique en affinant l’épaisseur des pellicules et accélérant la maturation des polyphénols. Les degrés d’alcool potentiels des merlots étant relativement élevés à ce moment-là, cette pluie aura permis sur les sols drainants de les diminuer significativement (de 0.5 à 1,5% vol.) par accessibilité rapide de l’eau aux racines. Les pellicules ont de manière générale bien résisté à cette pression, on relève en effet que très peu de baies fendues et donc peu de support de développement pour botrytis cinerea.  Sur des sols plus compacts, l’effet dilution n’a pas été observé, occasionnant de manière récurrente des ramassages de merlot à 16% vol demandant une maitrise fermentaire irréprochable pour éviter languissement et arrêt fermentaire. Ces données sont à corréler à l’assimilation du potassium et du magnésium par la vigne, jouant à la fois sur l’accumulation en sucres et sur la future stabilité de l’acidité des jus et des vins.

Les autres faits marquants du millésime sont :

  • La présence de petites baies et donc un ratio marc/jus élevé impliquant une gestion fine des extractions.
  • La richesse en cuivre des raisins ramassés avant le 20 septembre jouant sur la qualité des fermentations et l’état red/ox des jus et des vins.
  • Des mouts carencés en azote (de 50 à 100 mg/L) influençant la stratégie de nutrition des levures, la gestion des fermentations – à mettre en relation avec la capacité des sols à minéraliser l’azote et la capacité de la vigne à l’assimiler.

J’ai également exposé le lien scientifiquement établi entre certains minéraux et leur implication dans la transformation du raisin en vin et dans le gout des vins.

Pour plus de renseignements sur le rôle de chacun des minéraux dans le fonctionnement de la vigne et pour échanger sur les suivis sur sarment et pétioles vis-à-vis de vos différents terroirs et objectifs vins associés,  je vous invite à me contacter directement par-email : laurent@chancholle-consultant.com.

Intervenants :

Sébastien Rieublanc
Directeur technique
CIC

Guillaume Desperrières
Directeur général
Laboratoire SRDV

Laurent Chancholle
Président
Chancholle Consultant SAS

Un grand vin ne peut se produire qu’avec des raisins de grande qualité. En tant qu’oenologue conseil, le première expertise se doit d’être la compréhension fine de la physiologie de la vigne. A ce titre le bilan agro-œnologique de la région de Bordeaux pour la campagne 2018/2019 a été réalisé fin d’année 2019 au Château Couhins-Lurton (Pessac-Léognan) en la présence de vignerons, directeurs techniques et chefs de culture de propriétés viticoles de la région bordelaise.

LIeu de la conférence

Château Couhins-Lurton Pessac-Léognan

La vigne a besoin d’être équilibrée pour rester en bonne santé, se défendre naturellement vis-à-vis des maladies et amener les raisins à maturité à la qualité désirée en relation au type de vin que l’on souhaite produire.

Pour atteindre ces objectifs, la vigne doit être nourrie en fonction de ses besoins, variant en fonction du cépage, du porte greffe, du type de sol, de l’état du sol en termes de composition en matière organique et minérale et de son activité biologique.

Entretenir ou redonner de la vie au sol passe par un apport en matière organique et une préservation du sol. Si l’on nourrit le sol et par conséquent la vigne, il faut veiller à évaluer le comportement de la vigne dans sa capacité à assimiler les éléments nutritifs du sol en fonction du climat et des composantes propres au sol.

Laurent Chancholle dans les vignes de Puisseguin-Saint-Emilion

Le concept de l’agro-œnologie développé par le laboratoire SRDV vise à analyser ces éléments de nutrition de la vigne en dynamique dans les pétioles au cours de la campagne végétative et dans les sarments pour la mise en réserve. La finalité est de mieux comprendre le fonctionnement des vignes en fonction des parcelles. En corrélant ces données à celles de la qualité des raisins, des mouts et des vins correspondants, on va pouvoir agir précisément en fonction de ses objectifs. On vient donc apporter des indicateurs précis de ce que la vigne est capable d’assimiler. C’est un complément de l’analyse de sol qui (réserve nutritionnelle) et de l’évaluation de la vie microbienne des sols de la (capacité du sol à minéraliser la matière organique).

Avoir de quoi se nourrir est une chose, être capable d’assimiler cette nourriture en est une autre.

L’agro-œnologie est un maillon indispensable à considérer dans la chaine de production du vin entre l’agro-écologie de la vigne et l’œnologie.

Le thème de la réunion technique était de comprendre le millésime 2019 au travers de 3 interventions :

1-Climatologie, observations et mesures réalisées au vignoble au niveau du feuillage, par Sébastien Rieublanc de CIC

2-Suivi des réserves et de l’assimilation des éléments nutritifs de la vigne par Guillaume Desperrières du Laboratoire SRDV

3-Faits œnologiques marquants, de la gestion des maturités aux vinifications en lien avec les informations relevées au vignoble, par Laurent Chancholle.

1.Climatologie du millésime par Sébastien Rieublanc

Au niveau climatique, la pluviométrie de novembre 2018 à octobre 2019 est supérieure à la moyenne décennale régionale, oscillant de 574 mm à Saint-Estèphe (Nord du Médoc) à 730 mm à Fargues-Saint-Hilaire (Entre-Deux-Mers), ceci quelque soit la station locale de la région bordelaise.

Le début de la saison se caractérise par une faible pluviométrie des mois de février et mars et des températures fraiches. Ces 2 paramètres ont également ralenti l’activité biologique des sols et donc la minéralisation de la matière organique.

Le mois de juin est marqué par une fréquence soutenue de la pluie et une forte humectation des sols. L’effet de la pluie sur la floraison a eu pour conséquence de voir apparaitre de la coulure due aux capuchons floraux collés.  A noter que l’élément qui a été le plus pénalisant au niveau du potentiel de récolte fut le millerandage à cause des fortes variations de température entre le jour et la nuit (de 6 à 10°C). Enfin, ces niveaux de pluie devraient se traduire pour 2020 par des forts niveaux de mise en réserve, à confirmer par les analyses de sarment de cet hiver.

L’été a été sec, ensoleillé et chaud :

Valeurs 2019 vs normale

2. Le suivi agro-œnologique par Guillaume Desperrières

Le suivi agro-oenologique développé par le laboratoire SRDV consiste à suivre en dynamique l’assimilation nutritionnelle de la vigne depuis la phase des boutons floraux séparés (BFS) jusqu’à la véraison. Avant le stade BFS, la vigne va piocher dans les réserves alors que à partir de la véraison une partie de son activité partira dans la mise en réserve (MER). La MER varie en fonction du type de sol et de sa capacité à se réchauffer et est évaluée en hiver par le dosage des sarments. C’est l’ensemble de ces informations, stock en réserve et ce que la plante puise dans ce stock, qui permet d’identifier les équilibres/déséquilibres d’assimilation en fonction des objectifs œnologiques et ainsi de réguler la nutrition de la vigne sur le court, moyen et long terme.

Dosages sur sarments 2018/2019

Les éléments que sont le fer, le calcium, le magnésium et le manganèse sont directement corrélés à l’activité photosynthétique de la vigne. Les concentrations dosées dans les sarments se retrouveront ensuite dans les pétioles.

Au niveau glucidique, les mises en réserve de 2018 ont été bonnes, avec des valeurs moyennes supérieures aux 3 dernières années (au-delà de 120 mg/g).

Concernant l’azote, les niveaux moyens sont corrects, juste au-dessus de 0,6% de la Matière Sèche (MS). On relève tout de même des situations contrastées malgré un millésime 2018 pluvieux et doux.

Les réserves en potassium étaient relativement élevées, du moins on relève très rarement de carences en région bordelaise. L’assimilation du potassium étant très influencée par la température du sol et en période de réchauffement climatique, le potassium ne devrait pas être un facteur limitant ! Etant donné l’antagonisme d’assimilation entre le potassium et le magnésium et la prépondérance du magnésium dans la photosynthèse et son implication dans la synthèse des polyphénols et des arômes, le ratio K/Mg est un paramètre primordial à considérer en vue de la production de vins équilibrés.

Le fer qui nécessite de la chaleur et des sols drainants pour être assimilé par la vigne se retrouve sur certaines parcelles en déficit, un phénomène en réapparition croissante.

Le zinc voit lui ses concentrations diminuer depuis 2014 sur l’ensemble des terroirs suivis. La diminution de l’utilisation de produits fongicide riches en zinc peut expliquer cette évolution.

Le manganèse est également en déficit régulier.

Dosages pétiolaires 2019

Azote : De manière globale, l’azote a toujours été en termes de concentration pétiolaire dans la moyenne basse au cours de la campagne (autour de 70 mg/100 pétioles). Sa dynamique a été en constante diminution depuis le stade pois jusqu’à la véraison. Cette cinétique est totalement inverse à celle observée en 2018 sur le même échantillonnage de parcelles.

Le phosphore qui a une assimilation parallèle à l’azote a été très faiblement assimilé, flirtant sur tous les terroirs avec la limite basse de 10mg/100 pétioles.

Le potassium (K) est un élément majeur dans la capacité de la vigne à amener les raisins à maturité. Il est également directement corrélé au pH final des vins. Il doit donc être régulé finement pour atteindre les objectifs œnologiques de maturité, d’équilibre gustatif et microbiologique. Son assimilation est équivalente à celle des années passées.

Par-contre, deux exemples concrets de gestion du potassium sur des problématiques distinctes sont exposés et montrent clairement l’intérêt d’une régulation de cet élément à la parcelle et sur plusieurs millésimes successifs :

  • Cas d’un petit verdot du Médoc qui arrive à maturité phénolique de manière récurrente avec des pH excessifs (supérieurs à 3,8) : pas d’apport de K en 2018 mais apport de Mg pour améliorer le ratio K/Mg, Le pH 2019 est de 3,5 pour les mouts avec des K à véraison et sur moût en dessous de la limite basse. Les objectifs 2019 sont atteints mais afin de ne pas basculer dans une carence en 2020, un apport de matière organique riche en K est préconisé.
  • Cas d’un cabernet sauvignon du Médoc qui a du mal à atteindre le degré de maturité souhaité. Apport de K au sol et en foliaire en 2018. Les objectifs de maturité sont atteints en 2019 avec un pH de 3,7 sur mout et des potassium en concentration dans la moyenne haute. Un simple apport de MO d’entretien est préconisé pour 2020.

Le magnésium a vu sa dynamique d’assimilation dans la lignée des années précédentes mais voit ses valeurs moyennes sur la Gironde en limite basse. Des apports ciblés sur des parcelles donnant des mouts à pH trop élevé pour des niveaux de maturité corrects permettront de rééquilibrer le ratio K/Mg et d’accéder à des vins plus frais et plus stables vis-à vis de l’oxydation et des risques microbiologiques.

Le calcium et le fer ont été assimilés dans la même dynamique que les années passées, leurs valeurs moyennes dans les pétioles sont globalement basses en Gironde. Des apports de fond sont  très fréquemment préconisés.

Concernant le manganèse, les assimilations  ont été moins bonnes que en 2018, des apports en foliaire avant le stade BFS sur les parcelles à faible assimilation sont préconisés.

En résumé

  • Des situations disparates selon les secteurs et les terroirs cette année
  • Nécessité de suivi des différents terroirs et des différents cépages pour une bonne extrapolation des résultats
  • Des cas très différents au sein d’une même propriété : il faut partir des équilibres œnologiques et des particularités des parcelles en cave pour la sélection des parcelles de référence
  • Nécessité de réaliser un suivi régulier car les résultats sont très différents selon les millésimes en fonction des conditions climatiques
  • Données à mettre en relation avec les équilibres des sols

3.Le millésime par Laurent Chancholle

Le millésime 2019 a été marqué par une hétérogénéité de la maturité, remettant en cause les « habitudes » de ramassage inter et intra parcelle. Le printemps pluvieux et frais a entrainé coulure et millerandage entrainant une hétérogénéité de maturation à l’échelle de la grappe.

Les fortes chaleurs et les faibles disponibilités en eau du mois de juillet sur les terroirs moins capables de restituer de l’eau aux racines ont entrainé des stress hydriques excessifs et donc des blocages dans la cinétique de la maturation.

Ces fortes chaleurs ont justifié le choix de ne pas effeuiller au niveau des raisins les plus exposés au soleil ou d’effeuiller tardivement dans un objectif unique d’aération des grappes. L’observation des raisins à véraison a confirmé ces décalages.

Cette hétérogénéité en tous points de la maturation a justifié des suivis de contrôle de maturité à la grappe précoces et réguliers de toutes les parcelles. Le tri des raisins s’est révélé décisif tant les écarts ont été importants.

En ce qui concerne les vins de base de crémant, les blancs secs et les rosés, il fallait être rentré tôt de vacances afin de ne pas dépasser les optimums en termes d’équilibre acide et de fraicheur aromatique.

La stratégie de ramassage des vins rouges s’est elle résumée en une évaluation quotidienne de la capacité des terroirs à bien réagir aux épisodes pluvieux. Le moment clé du millésime est celui de fin septembre. Il s’est montré bénéfique en affinant l’épaisseur des pellicules et accélérant la maturation des polyphénols. Les degrés d’alcool potentiels des merlots étant relativement élevés à ce moment-là, cette pluie aura permis sur les sols drainants de les diminuer significativement (de 0.5 à 1,5% vol.) par accessibilité rapide de l’eau aux racines. Les pellicules ont de manière générale bien résisté à cette pression, on relève en effet que très peu de baies fendues et donc peu de support de développement pour botrytis cinerea.  Sur des sols plus compacts, l’effet dilution n’a pas été observé, occasionnant de manière récurrente des ramassages de merlot à 16% vol demandant une maitrise fermentaire irréprochable pour éviter languissement et arrêt fermentaire. Ces données sont à corréler à l’assimilation du potassium et du magnésium par la vigne, jouant à la fois sur l’accumulation en sucres et sur la future stabilité de l’acidité des jus et des vins.

Les autres faits marquants du millésime sont :

  • La présence de petites baies et donc un ratio marc/jus élevé impliquant une gestion fine des extractions.
  • La richesse en cuivre des raisins ramassés avant le 20 septembre jouant sur la qualité des fermentations et l’état red/ox des jus et des vins.
  • Des mouts carencés en azote (de 50 à 100 mg/L) influençant la stratégie de nutrition des levures, la gestion des fermentations – à mettre en relation avec la capacité des sols à minéraliser l’azote et la capacité de la vigne à l’assimiler.

J’ai également exposé le lien scientifiquement établi entre certains minéraux et leur implication dans la transformation du raisin en vin et dans le gout des vins.

Pour plus de renseignements sur le rôle de chacun des minéraux dans le fonctionnement de la vigne et pour échanger sur les suivis sur sarment et pétioles vis-à-vis de vos différents terroirs et objectifs vins associés,  je vous invite à me contacter directement par-email : laurent@chancholle-consultant.com.

Intervenants :

Sébastien Rieublanc
Directeur technique
CIC

Guillaume Desperrières
Directeur général Laboratoire
SRDV

Laurent Chancholle
Président
Chancholle Consultant SAS